dimanche 28 décembre 2008

Tunisie L'énergie éolienne a le vent en poupe

(Tunis) La Tunisie fait de plus en plus appel à l'énergie éolienne pour réduire sa facture
énergétique. Dompter le vent pour produire l'électricité s'avère un choix judicieux. Le pays
devrait devenir un des plus importants producteurs africains d'énergie de ce type.
Depuis 8 ans, Adel Hamrouni, chef du projet éolien à la Steg, la Société nationale d'électricité en
Tunisie, plante des éoliennes à Sidi Daoud, sur la côte centre-ouest du pays, à 50 km de Tunis, la
capitale. Un lieu idéal pour la production d'énergie verte, selon les études menées par la Steg, grâce
à la vitesse et à l'orientation des vents qui balayent la région. Son parc compte 70 éoliennes, mais
seules 42 ont déjà été mises en service. Après deux ans d'une stricte surveillance, le site nécessite
aujourd'hui une maintenance minimale et Adel n'y passe plus qu'en coup de vent. Plantées en file
indienne, les éoliennes offrent un spectacle qui émerveille toujours les villageois de Sidi Daoud. Ces
grandes machines aux pales de fer peintes en blanc s'intègrent parfaitement au paysage. "C'est
beau à voir, surtout de la mer", commente Omar, un pêcheur, bien qu'il préférerait des projets qui
font travailler les jeunes de l'endroit. "Au départ, on n'y croyait pas trop, mais le jour où on les a
mises en marche, c'était fabuleux", rappelle Mejri Mohieddine, chef du Département études
énergétiques à la Steg, qui travaille sur l'énergie éolienne depuis 15 ans. Mansour Bel Hadj, chef de
la centrale, veille au grain, avec une équipe de six personnes qui se relayent pour assurer le bon
fonctionnement du système. "Depuis la création de ce site, j'en connais chaque coin. Nos éoliennes
fonctionnent 80 % de l'année", souligne-t-il. Dans cette région où le vent ne manque presque jamais,
il arrive toutefois que celui-ci soit imprévisible. "Cette année, on a bien produit en été, alors que
d'habitude, le pic de production se situe en hiver", témoigne Bel Hadj.
Autant en apporte le vent
C'est la coopération entre la Tunisie et l'Espagne qui permet de financer le recours au vent. Les
banques tunisiennes apportent 50 % des fonds, et, à la suite d'un accord entre les deux pays,
l'entreprise espagnole Gamesa fournit et installe les éoliennes. Lorsqu'il sera intégralement en
service, ce projet éolien tunisien aura coûté près de 54 millions d'euros. "Comparé à d'autres
expériences dans les pays européens, le coût d'installation est raisonnable et une fois en place, le
projet ne nécessite pas beaucoup de personnel. De plus, les salaires en Tunisie sont bas", précise
Adel Hamrouni. L'État détenant le monopole sur le marché de l'électricité, les banques lui prêtent
facilement. Pour la Tunisie, dompter le vent est plus qu'un choix : une nécessité. Contrairement à
ses voisins, ses ressources pétrolières sont minimes, mais elles restent la première source de
production d'électricité. Avec la flambée du prix du pétrole ces dernières années, le déficit
énergétique (importation de pétrole raffiné contre exportation de pétrole brut, le pays ne disposant
que d'une raffinerie aux capacités limitées) s'est accru, en valeur, de 17 % en 2007, au point
d'affecter sensiblement la balance commerciale. Aujourd'hui, la centrale de Sidi Daoud fournit, avec
ses 42 éoliennes, 55 mégawatts (MW) au réseau national d'électricité, soit 2 % de la consommation
nationale. Cette part devrait atteindre 4 % avec la nouvelle centrale de Bizerte qui démarrera en
2009. Les centrales électriques produisent, elles, 3 300 MW. Trois autres centrales éoliennes sont
en construction au nord du pays, triplant la capacité totale en 2009, pour atteindre 200 MW en 2011.
La Tunisie sera alors le premier producteur africain, mais pas pour longtemps, puisque le Maroc
devrait produire 1 000 MW éoliens en 2011. L'éolien représentera alors 4 % de l'ensemble de
l'énergie électrique produite par le pays. La moyenne mondiale est de 6 %, mais la Tunisie s'en sort
bien pour un pays du Sud. Et le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD)
évalue son potentiel à 1 000 MW.
Des watts propres
Avec cette source d'énergie, c'est aussi la nature qui marque des points. L'énergie éolienne
permettra à la Steg d'économiser annuellement 92 000 tonnes de combustibles fossiles nécessaires
précédemment pour alimenter le pays en électricité et 11 000 mètres cubes d'eau utilisés pour
produire l'énergie. Le parc éolien permettra également d'éviter l'émission par an de 330 000 t de
CO2, 174 t d'oxyde d'azote, 190 t d'oxyde de soufre et 9 t d'autres gaz hautement polluants et
toxiques dégagés principalement par la combustion du pétrole, selon les ingénieurs du projet. Les
terrains occupés par les éoliennes peuvent en outre continuer à être cultivés et, contrairement aux
idées reçues, il n'y a pas besoin de vents violents pour faire fonctionner celles-ci. "La moyenne
idéale est de 20 km/h. D'ailleurs, au-delà de 90km/h, les éoliennes s'arrêtent par mesure de sécurité
", explique M. Bel Hadj. Toutes les éoliennes ont été implantées en se souciant d'un autre aspect,
celui du bruit pour les populations voisines, rassure pour sa part M. Abbes Miledi, ingénieur en chef à
Sidi Daoud. Originaire de l'endroit, il est ici chez lui, mais attend de rejoindre la deuxième centrale,
qui sera implantée à Bizerte, au Nord. "C'est le vent, conclut-il, qui m'a ramené chez moi, mais je ne
sais pas où il m'emportera."
Youad Ben Rejeb et Fethi Djebali ©InfoSud - Syfia

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